A la naissance, le rythme de maternage justifie un gros coup de main de la part de l’entourage ou des professionnels de la petite enfance. Ensuite, la difficulté sera de favoriser l’individualité des jumeaux, tout en préservant cette complicité qui les sécurise.
Un rythme de maternage intensif On estime à 12h30 environ par jour le temps consacré aux jumeaux : entre la toilette, les tétées, les changes, les lessives…(1) Il faut compter environ quatorze tétées par jour et autant de couches à changer !
On comprend que les parents de jumeaux soient souvent un peu décontenancés par le rythme du maternage, sans compter les réveils nocturnes.
L’allaitement est même possible, voire recommandé en raison de la fréquente prématurité des bébés : le lait maternel se digère beaucoup plus facilement. Plus facile à dire qu’à faire : allaiter deux bébés en même temps, préserver le bout de ses seins et éviter les crevasses…On peut aussi tirer son lait et se faire aider par Papa pour donner des biberons, voire demander du lait aux lactariums ou banques de lait.
Côté organisation, les centres de PMI (Protection maternelle et infantile) de la Commune ou du Département peuvent aider les parents à s’organiser en détachant une puéricultrice.
Des câlins pour chacun Ce qui semble poser le plus de difficultés aux parents, au-delà des problèmes d’organisation, c’est la difficulté de combler deux bébés en même temps sur le plan affectif, alors qu’ils ont besoin de leur papa et de leur maman.
Le risque est de vouloir rationnaliser les temps de maternage ou paternage consacrés aux soins, alors que cela peut être un temps de jeux et de câlins. Au final ce qui compte c’est la qualité des échanges.
Cultiver l’individualité des deux enfants Ce n’est que vers trois mois que le lien gémellaire vécu "in utero" pendant la grossesse se recrée : il se manifeste par des témoignages de reconnaissance et d’échange entre les enfants.
La plupart des professionnels de la petite enfance recommandent de favoriser leur individualité. Ils conseillent de résister à la tentation de les habiller de la même manière ou de les mettre dans le même lit.
Le psychologue spécialiste de la gémellité René Zazzo soulignait dans le "Paradoxe des jumeaux" (2) le risque d’autosuffisance de ces deux enfants qui, selon lui, forment un véritable couple. Il recommandait aux parents de s’occuper de chacun individuellement.
Le pédopsychiatre Marcel Rufo conseille également de les différencier très tôt et très longtemps pour les protéger de leur gémellité (3). Un avis partagé par Didier David, pédopsychiatre à l’Hôpital Necker. Selon lui, si ce travail n’est pas accompli dès le début, alors il sera plus difficile de les séparer par la suite à la crèche, puis à la maternelle pour que chacun vive sa vie (4).
La psychologue Séverine Delaville (5) est moins formelle sur le sujet : pour elle, il faut permettre à ce lien d’exister dans toute sa dimension positive et protectrice. Avant deux ans, elle estime tout à fait contradictoire d’obliger de jeunes jumeaux à être séparés pour encourager leur individualité, alors que c’est dans la cohabitation qu’ils vont faire l’expérience de leur singularité.
La psychologue Florence Tomasic (6) va dans le même sens. Selon elle, la séparation à la crèche ou à l’école maternelle n’est souhaitable que si les enfants ont des relations névrotiques : anxiété, dépendance, troubles du comportement… Sinon il sera plus sécurisant pour eux de rester ensemble jusqu’au CP où la séparation est préférable avec le début des résultats scolaires, afin d’éviter les comparaisons.
La tentation de l’égalitarisme René Zazzo conseillait également aux parents de ne pas vouloir à tout prix "raboter toute différence" pour établir une égalité parfaite. A l’inverse, l’attitude des parents qui consiste à donner un droit d’aînesse à l’un des deux est, selon lui, tout aussi dommageable.
Pour Didier David, "plus les parents voudront leur épargner le sentiment de jalousie, plus ce sentiment deviendra intense". Une réflexion qui devrait déculpabiliser bien des parents !
(1) CNAF, "Activité féminine, Vie familiale".
(2) "Le paradoxe des jumeaux", René Zazzo, éditions Stock.
(3) "Elever bébé", Marcel Rufo et Christine Schilte, éditions Hachette.
(4) Interview de Dr Didier David, pédopsychiatre à l’Hôpital Necker-Enfants Malades.
(5) "Attendre et élever des jumeaux", Séverine Delaville, éditions Studyparents.
(6) "Les jumeaux", Muriel Descamps, éditions Le cavalier bleu.